Le 18 mars 2015, la vie de Ala Eddine Hamdi bascule. Aux premières loges de l’attaque du musée du Bardo à Tunis par deux terroristes, il sauve des vies. Deux ans après, il revient avec Jeune Afrique sur cette journée sanglante.
Ala Eddine Hamdi a suivi les traces de son père, retraité de l’Institut national du patrimoine. À 24 ans, ce polyglotte est gardien de salle au musée du Bardo. Il travaillait le jour de l’attaque, il y a deux ans de cela. S’il est toujours employé au musée, il garde encore des séquelles psychologiques du 18 mars 2015.
Jeune Afrique : Deux ans après, que représente pour vous le 18 mars ?
Ala Eddine Hamdi : J’ai tout en mémoire comme si c’était hier. À l’évocation de l’attentat, je suis encore tétanisé et je fais des cauchemars récurrents, notamment quand revient le mois de mars. J’ai été l’un des premiers à voir le bain de sang dans la salle Carthage et l’un des premiers à être en contact avec la brigade antiterroriste (BAT). Sur le coup, j’agissais mécaniquement, la peur est venue après.
Qu’avez-vous vécu ce jour là ?
C’était un mercredi comme les autres, où les touristes étaient nombreux. Quand les tirs ont commencé, j’étais dans les escaliers pour aller déjeuner. J’ai très vite compris. À l’extérieur, des personnes étaient déjà à terre. Passé le premier choc, j’ai rebroussé chemin, par des couloirs que seul le personnel connait. J’ai alors croisé une famille de Tunisiens qui cherchait un refuge, puis un groupe d’une trentaine de français qui effectuaient une visite guidée. Ils ignoraient tout deJe leur ai imposé le silence et les ai conduits dans une annexe de la salle Sousse, qui pouvait être fermée de l’intérieur. Nous entendions les tirs, le temps était long et il fallait sans cesse calmer les gens, les obliger au silence. Je suis sorti pour prendre la mesure de la situation. Un Anglais couvert de sang m’a demandé de l’aide pour sauver sa femme dans la salle Carthage mais les terroristes tiraient depuis la balustrade, il n’y avait plus rien à faire.
La BAT était déjà en intervention. Je me suis identifié et les ai conduits à la salle Sousse pour évacuer mon groupe, puis nous sommes allés jusqu’à la salle de vidéo surveillance pour qu’ils repèrent les mouvements des terroristes. Ensuite, comme tous mes camarades, j’ai été interrogé, avec beaucoup de déférence de la part des policiers.
Vous avez également été sollicité par les médias.
Il fallait témoigner pour ne pas laisser dire n’importe quoi, mais aussi pour dire que des Tunisiens avaient risqué leur vie pour en sauver d’autres. À l’époque, les médias ont plus parlé d’Akil, le chien de la BAT qui a été abattu, que de ceux qui ont contribué à ce que ce massacre ne soit pas plus important.
Mais cette visibilité médiatique a été négative ; le ministère n’a jamais voulu nous inviter aux commémorations et j’ai été menacé par un salafiste qui a juré que viendrait un jour où il me couperait la tête car j’ai aidé les taghouts (représentants des forces de l’ordre qu’ils estiment être des mécréants, ndlr).
J’en ai tremblé pendant des jours pour finir par me dire « advienne que pourra ».
Comment allez-vous aujourd’hui ?
Ma vie est en apparence la même. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit bouleversée, mais je pensais recevoir un minimum de gratitude. Le ministère des Affaires Culturelles, dont nous dépendons, n’a pas amélioré ma situation professionnelle ni celle de mes collègues, qui étaient aussi en première ligne. Il n’a pas non plus pris la peine de mettre en place un soutien psychologique.
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