Tchad: Disparition présumée de dizaines de soldats

Alors que les Tchadiens sont toujours dans l'attente des résultats de l'élection présidentielle du 9 avril dernier, l'opposition vient de jeter un gros pavé dans la mare. En effet, elle affirme que 47 soldats qui n'auraient pas voté pour le président Idriss Déby Itno, ont disparu. Plus grave, certains parlent déjà de découverte d'un charnier. Faut-il croire à l'opposition?

Certes, Déby est capable du pire, mais de là à dire qu'il a fait disparaître 47 soldats parce que ces derniers ne lui auraient pas accordé leurs voix, est une accusation gravissime.

D'ailleurs, comment les opposants ont-ils su que les soldats en question ont voté pour eux et non pour Déby, étant donné que le vote est censé être secret?

En tout cas, ces allégations sont à prendre avec des pincettes d'autant qu'aucune structure indépendante n'a encore fait cas de cette affaire.

Ni les syndicats, ni les mouvements de défense des droits de l'Homme encore moins la société civile tchadienne. Or, ces derniers travaillent actuellement en tandem avec l'opposition pour, non seulement exiger le départ de Déby, mais aussi la libération de leurs militants incarcérés.
Cela dit, on ne peut non plus balayer d'un revers de main, ces allégations soutenues par-dessus tout par des proches parents de certains soldats présumés disparus.

Face au rouleau compresseur de Déby, certains opposants n'avaient pas hésité à proposer comme stratégie, le vote tribal. S'il s'avérait donc que les soldats supposés disparus ne sont pas de la même ethnie que Déby, la probabilité que l'opposition ait raison, serait plus grande.

En dictateur avisé, Déby pourrait bien organiser une purge au sein de son armée pour dissuader tous ceux qui auraient des velléités de se rebeller un jour contre lui. Et, en la matière, les faits parlent contre lui.

Car, on se souvient de la disparition en 2008, de l'opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh. Et comme le dit l'adage, « qui vole un œuf volera un bœuf ».

Si Déby s'est déjà rendu coupable de la disparition de Saleh, il pourrait à nouveau commettre la même forfaiture à une échelle beaucoup plus grande. En tous les cas, si l'affaire s'avérait exacte, ce serait très grave.

Le régime de Déby pourrait avoir de gros soucis dans les jours à venir

C'est pourquoi les mouvements de défense des droits de l'Homme auraient tout intérêt à exiger du gouvernement, toute la lumière sur cette affaire. Et pour autant que Déby ne se reproche rien, il gagnerait à éclairer toutes les zones d'ombres de cette affaire.

Et la démarche la plus appropriée pour y arriver, serait l'ouverture d'une enquête indépendante internationale. Car, confier une telle affaire à une structure locale, serait la meilleure manière de l'enterrer.

En effet, il est de notoriété publique qu'en Afrique, les institutions ont tendance à trancher en faveur du prince régnant.

Cela dit, en attendant que la lumière jaillisse, cette affaire risque davantage de jeter une ombre épaisse sur la victoire annoncée de Déby.

C'est aussi le signe que le futur mandat de ce dictateur qui dirige d'une main de fer dans un gant de velours le Tchad depuis plus d'un quart de siècle, ne sera pas une partie de plaisir.

On a le sentiment qu'après des décennies de somnolence, les Tchadiens sont désormais vent debout contre le satrape. Et l'on se demande jusqu'où ira le bras de fer? Déby pourra-t-il terminer le mandat déjà en poche? On attend de voir.

Mais ce qui est d'ores et déjà certain, c'est que cette disparition présumée de soldats vient en rajouter à la liste déjà longue des crimes reprochés à Déby. Et si rien n'est fait, elle risque de réveiller les vieux démons.

S'il était prouvé que des soldats ont disparu, le régime de Déby pourrait avoir de gros soucis dans les jours à venir. Mais si d'aventure l'information se révélait fausse, l'opposition se couvrirait de ridicule et sa crédibilité en prendrait un sacré coup.