Afin de reprendre la main après son élection calamiteuse
lors de la présidentielle du 31 octobre 2020, le président ivoirien Alassane
Ouattara n’a pas hésité à sacrifier les intérêts de sa famille politique en
organisant les premières élections législatives les plus inclusives depuis dix
ans.
Profitant de la formation du premier gouvernement du Premier
ministre Patrick Achi, le président ivoirien Alassane Ouattara a nommé son
jeune frère Téné Birahima Ouattara au poste de ministre d’Etat, ministre de la
défense nationale. Alors qu’elle aurait pu, il n’y a pas si longtemps, susciter
la crispation politique voire la contestation la promotion de Birahima Ouattara
de son poste obscur de ministre des affaires présentielles au portefeuille de
ministre d’Etat en charge de la défense est passée comme une lettre à la poste.
Au-delà de sa portée symbolique et de son caractère népotique, le choix porté
par Ouattara sur son frère pour avoir l’œil sur l’armée dans le contexte
sensible actuel traduit la reprise en main de la situation politique par le
chef de l’Etat ivoirien. Pas grand-monde n’était prêt à parier dix franc CFA
sur le nouveau mandat du président Ouattara, après la présidentielle du 31
octobre 2020 marquée par des violences post-électorales qui ont fait au moins
85 morts, des dizaines des blessés et des centaines de personnes jetées en
prison.
Fait totalement inédit pour Alassane Ouattara, même la
communauté internationale, d’habitude si bienveillante à son égard, avait
déploré les conditions de son élection avec près de 94% des voix. Dès lors, la
seule urgence pour Ouattara, c’était sauver son quinquennat.
Le tournant des législatives
Comment y arriver ? Le président ivoirien tente d’abord
l’arme de la répression tous azimuts. Il fait arrêter plusieurs opposants dont
l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan et le Secrétaire exécutif en chef du PDCI Maurice Kakou Guikahué. Il
contraint d’autres comme l’ancien ministre Albert Toikeuse Mabri à l’exil.
Mais, très vite le président réalise que cette voie répressive conduit à
l’impasse. Ouattara se ravise et décide d’utiliser les élections législatives
comme chemin de la rédemption. En
échange de la survie de sa présidence pour les cinq prochaines années, il
décide alors d’organiser des élections législatives, ouvertures, transparentes
et inclusives. Sur les ordres de Ouattara, l’exécutif donne aux opposants des
gages de sincérité du scrutin législatif au point de convaincre les
irréductibles partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo de se présenter.
La campagne électorale des législatives, les opérations électorales, le dépouillent
des résultats, leur proclamation. Tout se passe de façon consensuelle et
transparente. Résultat, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie
et la paix (RHDP) obtient 137 députés sur 225, soit un recul de dix députés par
rapport à l’ancienne législature. L’opposition emmenée par le Parti
démocratique de Côte d’Ivoire de l’ancien président Henri Konan Bédié et
Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS), le regroupement des
partisans de Laurent Gbagbo, obtient 81 sièges. Les indépendants décrochent 26
sièges alors le Front populaire ivoirien, tendance Affi N’Guessan, obtient 2
sièges. Ouattara réalise un coup double : il comble son opposition en
organisant ces législatives dans des conditions incontestables et s’assure une
majorité à l’assemblée nationale au prix de la perte de dix sièges par sa
famille politique.
Une histoire ancienne
Au lendemain de ces législatives sans gagnants et sans
perdants, l’opposition ivoirienne n’a pas plus la tête à la remise en cause de
l’élection du président Alasssane Ouattara. Et c’était justement le but de la
manœuvre. Le problème de la légitimité du président ivoirien et l’exigence de
la reprise de la présidentielle du 31 octobre sont donc derrière la classe
politique. Pouvoir et opposition regardent désormais vers le dialogue politique
encouragé par la France et le reste de la communauté internationale. Une
première rencontre entre Ouattara et Bédié a eu lieu en novembre dernier, en
attendant de nouveaux rendez-vous. D’un côté comme de l’autre, l’heure est à
l’apaisement. Ouattara peut déjà se frotter les mains. Sauf accident, il
passera ces cinq prochaines années à la tête de la Côte d’Ivoire ; ce qui
n’était pas forcément acquis au lendemain de la présidentielle du 31 octobre.
NB. Le titre est de la rédaction
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