Après la rébellion de 2002, le besoin de la réforme de l’armée ivoirienne s’est posée et faisait partie des sujets lors des différentes négociations. Cela devrait se faire à travers le programme de Désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR). Démarré sous Laurent Gbagbo, le programme a pris fin sous Ouattara, en juin 2015. Mais pour beaucoup dont le professeur Mamadou Koulibaly, ce programme n’a pas réussi. Il en veut pour preuve la mutinerie de début janvier 2017. Dans cette affaire, il ne voit qu’un principal responsable. Alain Donwahi, l’actuel ministre délégué à la Défense. Mamadou Koulibaly s’explique et croit que tout ce qui a été dit comme succès du DDR n’est que du faux servi aux Ivoiriens à travers une campagne de communication mensongère.
« De 2003 à 2011 l’actuel ministre délégué à la défense auprès de Président de la République est l’animateur du PNDDR et met en application cette grosse entreprise de communication qui fait croire que le DDR se déroulait, alors qu’il en était rien. A partir de 2013, la même personne devient secrétaire général du conseil national de sécurité. Aujourd’hui, Mr Alain Richard Donwahi est ministre en charge de la défense auprès du Président de la République, qui est lui-même le titulaire du poste. Tous les deux sont au courant du problème tel qu’il se pose depuis le commencement.
Ouattara suit le dossier depuis les origines en 1990 et Donwahi depuis au moins sa période du PNDDR en 2003. En principe, sauf par cynisme ou incompétence, ils devraient connaitre parfaitement les questions des militaires et celles posées par les mutins. Alors, pourquoi ces questions n’ont-ils jamais été abordées, traitées et réglées définitivement ? », affirme Mamadou Koulibaly.
Pour le professeur et président de Lider, si l’armée ivoirienne n’est pas unifiée et se présente encore divisée, la raison réside dans la conception du DDR par et les ex-Forces Fafn et le gouvernement Ouattara. Mamadou Koulibaly explique :
« D’abord le DDR. Dans sa logique, il s’agissait de récupérer les armes des rebelles et de leurs combattants non membres de l’armée régulière, de les démobiliser, c’est-à-dire de les libérer de leurs engagements, et enfin de travailler à faciliter leur réintégration à la vie civile. Or, que s’est-il passé ?
Pour l’état-major de la rébellion, à partir de 2011, la question du DDR se posait en des termes clairs. Deux armées se sont affrontées, les forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) et les forces armées des forces nouvelles (FAFN). Les FAFN sortent victorieuses de cet affrontement, donc elles désarment les FANCI et créent une nouvelle armée qui est présentée comme la synthèse des deux qui étaient en conflits : Les forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Dès lors, les combattants issus de la rébellion n’ont plus à se désarmer. Ils constituent désormais l’armée régulière et gardent, par générosité, les anciennes FANCI désarmées, dans celle-ci, après un tri minutieux. La conception du désarmement issue des accords de sortie de crise est abandonnée pour une intégration pure et simple des combattants dans les forces régulières. 12.000 à 15.000 combattants sont ainsi intégrés à l’arrivée, et 6.000 environ dans les corps para militaires de la douane, de la garde pénitentiaire, des eaux et forêts. Le désarmement s’est donc mué et terminé par l’octroi de matricules militaires à ceux qui auraient dû être effectivement désarmés et démilitarisés.
Mais, comme ceux qui auront la charge du programme national de désarmement, démobilisation et réintégration (PNDDR) de 2003 à 2011 n’avaient point peur de dépenser l’argent des autres, ils vont maintenir le projet du DDR et iront rechercher, identifier, recruter et présenter une nouvelle clientèle pour le DDR. On passe rapidement à près de 80.000 personnes concernées, pour un budget allant à plus de 100 milliards de francs cfa. Pour l’essentiel, cette clientèle n’a jamais été au combat ou bien elle n’a participé que juste dans les derniers instants de pillage et d’installation de Ouattara au pouvoir.
Le problème du DDR se transforme en celui de l’intégration des ex combattants dans l’armée, et de la gestion de la nouvelle clientèle à laquelle on applique des principes du DDR. Les paiements qui auraient dû être réservés pour le DDR se révèlent insuffisants, puisqu’il fallait en plus trouver des fonds pour les clients non concernés, mais qui désormais seront présentés comme les bénéficiaires du DDR.
Se met en place alors, une grosse fumisterie à la satisfaction des autorités locales qui règlent un problème militaire crucial par une belle entourloupe. Elle convient aussi à la communauté des bailleurs de fonds internationaux, avec l’Onu en tête, qui peut alors présenter une activité non réalisée comme un succès certain. Elle permet aux communes et aux conseils régionaux d’offrir à leurs administrés et électeurs des opportunités de formation aux métiers de l’élevage, de l’agriculture, de la pisciculture et autres, aux frais du DDR. Et enfin, elle enthousiasme les populations ciblées comme nouvelle clientèle qui peuvent ainsi bénéficier de versements de 800.000 francs, avec des équipements et du matériel, sans avoir jamais été combattants pour ou contre qui ou quoi que ce soit. Tous gagnent dans l’affaire, sauf que le DDR n’est pas fait.
Tous ces soldats intégrés dans l’armée vont bénéficier, après une mutinerie en 2014-2015, de promotions à des grades au-dessus de leurs compétences, de primes exceptionnelles de participation à l’installation des nouvelles autorités, et ils vont demander des revalorisations salariales, des accélérations de grades et obtenir un emploi fonctionnaire assuré jusqu’à la retraite... »
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