Geoffroy-Julien Kouao : « Bédié et le PDCI n’ont pas compris qu’en politique le premier adversaire, c’est son allié »

Juriste, analyste politique et écrivain, Geoffroy-Julien Kouao est l’un des observateurs ivoiriens les plus sollicités pour le débat public. Invité, lundi 30 juillet, à se prononcer sur la guéguerre entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, Julien Kouao est sans détours dans cette interview!

Ivoire matin : L'actualité politique en cote d'Ivoire reste marquée par ce qui prévaut au rdhp. Peut-on qualifier la naissance du parti unifié actuel comme le holdup parfait de Ouattara contre Bédié ?

Geoffroy-Julien Kouao : M. Ouattara est un homme politique, subséquemment, il fait de la politique, et pour atteindre ses objectifs et ambitions politiques, il déploie des moyens opérationnels, le RHDP unifié en est un. Pour construire et porter cet appareil politique, M. Ouattara avait besoin de  dextérité, de justesse et aussi de ruse qui se résument à l’adoption d’une posture  stratégique. M. Bédié et le PDCI faisaient ou font partis  de cette stratégie. Seulement, M. Bédié et le PDCI n’ont pas compris qu’en politique le premier adversaire, c’est son partenaire, son allié.

I.M : Pour réussir son projet, Ouattara s'est entouré de cadres du PDCI qui sont allés jusqu'à créer un courant. On parle de rébellion contre Bédié. Êtes-vous d'accord avec ceux qui parlent de coup d'État de Ouattara contre son aîné Bédié?

 G.J.K : Nous devons éviter de personnaliser le débat politique. La politique est faite d’alliance et de contre-alliance, d’union et de séparation pour des questions idéologiques et électoralistes. M. Ouattara a des ambitions politiques, il est légitime qu’il les défende avec les moyens dont il dispose pourvu qu’ils n’écornent pas les valeurs républicaines et démocratiques. C’est à M. Bédié de défendre les siennes. Dans un parti démocratique, la naissance d’un courant de pensée relève du banal, seulement souhaitons que l’argumentation prenne le pas sur la conviction. La première est rationnelle, la seconde, aveugle.

 I.M : Pour l'analyste politique que vous êtes, cette situation était elle prévisible vu l'idylle entre les deux hommes ?

G.J.K : En politique, il n’ya pas d’amitié. Seules les intérêts existent et déterminent les positionnements. N’oublions pas que le RDR et le PDCI étaient farouchement opposés dans les années 90. Contrairement à ce qu’ils affirment, leur alliance en 2005 était opportuniste, électoraliste et non idéologique. Cette alliance ne pouvait donc pas résister à l’épreuve des ambitions électoralistes. L’élection présidentielle de 2020 demeure la pomme de discorde entre les patrons du RDR et du PDCI.

 I.M : Comment imaginez-vous la fin?

 G.J.K : Le divorce entre le PDCI et le RHDP unifié est consommé. Et les élections locales à venir vont le confirmer.

I.M : Une alliance le PDCI et l'opposition est-elle possible ?

G.J.K : Oui, en Côte d’Ivoire, tout est possible. Rappelez-vous, en 1995 le FPI, parti de gauche et le RDR parti de droite ont formé le front républicain. Aujourd’hui, le FPI et le PDCI peuvent donc créer une alliance dont le but serait de favoriser l’alternance politique en 2020. En Côte d’ivoire, les formations politiques et les hommes politiques n’ont pas d’idéologies politiques, de programmes politiques, ils poursuivent un seul objectif : être candidat à une élection et tout faire pour la remporter.

I.M : Aucun parti ne pouvant gagner désormais seul les élections en côte d'Ivoire, quelles sont les chances de ces deux blocs en 2020?

G.J.K : La réponse à cette question appartient aux Ivoiriens. Les choses évoluent, les lignes bougent même si l’espace télévisuel reste toujours fermé, ce qui traduit une certaine fébrilité. Les partis traditionnels devraient faire attention, ils pourraient être devancés sur la ligne d’arrivée, en 2020,  par de nouvelles forces politiques qui pourraient capitaliser toute la déception des populations de la gestion approximative et dilettante de la chose publique pendant trois décennies par le PDCI, le FPI et le RDR.