C'est un Guillaume Kigbafori Soro, visiblement ragaillardi, depuis sa visite à ses parents à Ferké, puis à Henri Konan Bédié, le président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci), à Daoukro, qui a rencontré des chefs traditionnels et des populations de la région du Gboklè, lundi 25 février 2019, à sa résidence privée de Marcory résidentiel. Et bien, il s'est montré plus incisif.
Ces chefs traditionnels, cadres, élus et leaders de jeunes et de femmes ont effectué massivement le déplacement depuis les départements de Fresco et Sassandra -qui forment la région du Gboklè- pour témoigner leur reconnaissance à l'ancien président de l'Assemblée nationale, Guillaume Soro, pour son soutien et ses actions ayant abouti à la libération de leur frère et fils, Alain Lobognon, emprisonné puis condamné pour « divulgation de fausses nouvelles » dans l'affaire Jacques Éhouo. Pour le député de Ferké, son collègue et « ami de longue date », Alain Lobognon, a été mis en prison simplement parce qu'il est « l'ami de Soro ».
Guillaume Soro a insisté sur son ambition de s'asseoir, lui aussi, sur le fauteuil présidentiel. Et pour cela, il a soufflé à l'assistance qu'il est parti à Ferké pour informer ses parents de sa décision. « Les vieux Sénoufos sont rentrés dans le bois sacré. On attend, on va voir. C'est important, il ne faut pas laisser ça comme ça », a déclaré le natif de Kofiplé (Sous-préfecture de Diawala), l'air amusé. Mais il a lancé un message à ses hôtes. « Allez dire aux parents du Gboklè que vous avez trouvé un homme soulagé, qui se porte bien dans sa tête, un homme libre pour s'assumer, pour assumer son destin. On ne va plus travailler pour quelqu'un, on est nous-même quelqu'un », a affirmé M. Soro, assis dans un fauteuil royal.
Face aux menaces et autres intimidations, Guillaume Soro a laissé entendre qu'il est serein, appelant ses hommes et les Ivoiriens à assumer leurs choix. « Dites à ceux qui vont vous envoyer des coups de fil, que vous êtes venus chez Guillaume Soro. Les gens font comme s'ils sortent de Jupiter. Nous sommes en Côte d'Ivoire depuis on est né. On a vu Félix Houphouët-Boigny, on n'était pas d'accord (avec lui), et on n'est pas mort. Pourquoi c'est maintenant qu'on va mourir ? On ne peut pas venir nous effrayer ! Moi, je n'accepte pas cela », a-t-il soutenu, ajoutant qu'il « n'est pas un homme à avoir de la rancune et de la rancœur ».
Loyauté et fidélité
L'ancien chef du Parlement s'est arrêté un moment pour rendre hommage à son «compagnon de longue date », Alain Lobognon, le député de Fresco. À l'écouter, Alain Lobognon « est un supplicié ». « Votre fils, il s'est trouvé que c'est un homme de conviction, de caractère ; souvent incompris. C'est un compagnon de longue date, loyal et fidèle comme il s'en trouve rarement sur le marché politique ivoirien. Votre fils a consacré sa vie, et il en a payé le prix, au combat… Pour moi, la fidélité et la loyauté sont des vertus. J'ai été meurtri qu'on l'ait mis en prison pour un tweet. C'est que nous, on était morts déjà ! Parce que nous, on écrivait des tracts sous Houphouët, sous Bédié. J'ai été très triste. Ce n'est pas pour un tweet qu'on l'a mis en prison… C'est parce qu'il s'appelle Alain Agnima Michel Lobognon, ami de Guillaume Soro. Il vient d'intégrer le cercle fermé des prisonniers de Côte d'Ivoire. À partir de là, il peut être un grand type dans ce pays maintenant », a rigolé au passage le député de Ferké.
En tout cas, pour l'ancien syndicaliste estudiantin, c'est l'heure de la détermination. Et elle passe, à l'entendre, par des prises de position claires. « Il faut que les Ivoiriens sachent se déterminer. Nous ne sommes plus des enfants. Soyez des hommes ! Moi j'ai démissionné pour quoi ? Si moi, je vais me cacher chez le président Ouattara, je lui fait la manucure et la pédicure, je vais être grand type aussi dans ce pays. Soyez des hommes ! Il y a des gens, on ne sait même pas comment ils sont. Tantôt ici, tantôt là-bas. Ça là, ça fait honte hein. Je suis parti de l'Assemblée nationale, je mange. Je ne sais pas ce qui a changé dans ma vie. On se fatigue pour rien », a estimé Guillaume Soro.
Selon lui, le pouvoir n'est pas éternel. Aussi, a-t-il invité les tenants du pouvoir à ne pas trop tirer sur la corde. « Le pouvoir, je ne sais même pas pourquoi on s'attache à ça comme ça. Ça va finir un jour. Pour moi est fini. Mais pour les autres là va finir aussi. Allons doucement, faisons doucement ! Avant toi, il y a eu beaucoup de ministres et il y en aura après. En Côte d'Ivoire, il y a eu beaucoup de présidents. Il y a un même qui est vivant. Cherchons la réconciliation, ne cherchons pas à humilier les autres. On humilie, on méprise les gens, ce n'est pas bon », a-t-il décrié. Avant d'asséner : « on ne dirige pas un pays dans l'arrogance ».
Rhdp contre CP
Il a présenté aux populations du Gboklè son nouvel instrument politique baptisé le Comité politique (Cp), soulignant qu'il vise à réfléchir à l'avenir de la Côte d'Ivoire. Il a invité ses visiteurs à y adhérer massivement, les rassurant qu'il ne s'agit pas d'un parti ou d'un mouvement politique. Par ailleurs, il a critiqué le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), le parti unifié, présidé par Alassane Ouattara. Il a soutenu mordicus qu'il ne fait pas partie de cette formation politique. « C'est quel genre de parti où tu dois militer forcé ? Moi, je ne suis pas Rhdp. Si moi-même je crée pour moi, c'est pas bon ? », a-t-il ri encore. Avant de révéler : « On m'a appelé pour dire que Guillaume Soro veut créer des problèmes. « Il est allé voir Bédié ». Si Laurent Gbagbo est d'accord, je vais le voir aussi. Tu veux que les Ivoiriens soient ensemble mais tu ne veux pas qu'on se parle. Je ne comprends pas dans quel pays on est… On doit nous encourager à nous voir, à nous parler. J'ai choisi ma voie. C'est le pardon et la réconciliation. Moi, je vais voir Gbagbo. On me dit que Gbagbo a tué. Mais la guerre là, ce n'est pas un seul camp ! Si on garde Gbagbo en prison, ça change quoi ici ? On n'a qu'à le libérer, il va venir ! La Côte d'Ivoire est un peuple formidable qui dédramatise tout. La Côte d'Ivoire n'est pas un peuple crispé. La Côte d'Ivoire est un peuple souriant. Quand on va se retrouver, on va crier le premier jour, mais après, on va sourire ». Il a proposé que tous les protagonistes de la crise de 2010-2011 se retrouvent pour se parler.
Cependant, il a répondu à ceux qui traitent Henri Konan Bédié « d'ivoiritaire ». « Quel ivoirité ? Quand on avait besoin de Henri Konan Bédié, il n'était pas ivoiritaire ? Vous avez gagné les élections avec les 25 % d'ivoirité de Bédié. Moi, je vais partir voir si les 25 % de Bédié sont là, vous dites non. Je vais aller aussi chez Gbagbo. Ah, moi je vais aller hein ! », a-t-il lancé, tout en rigolant.
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