Situation politique : Bédié prend la tête de l’opposition

L’opposition ivoirienne semble avoir trouvé un nouveau porte-drapeau et un symbole unificateur, pour mener la lutte de l’alternance en 2020 contre Alassane Ouattara, le chef de l’État. Il se nomme Aimé Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (Pdci-Rda) et ancien chef de l’État déchu en 1999 par un coup d’État militaro-politique…

Hier, autorité morale du chef de l’État, Alassane Ouattara, qui l’avait solennellement présenté comme son « Julius Nyeréré », Henri Konan Bédié, l’homme de l’appel de Daoukro du 17 septembre 2014, est devenu, aujourd’hui, depuis le « non» cinglant du Bureau politique du Pdci au Rhdp unifié, l’autorité politique et le garant moral de l’opposition ivoirienne dans toutes ses composantes idéologiques. C’est vrai que le statut de chef de l’opposition n’existe pas encore dans l’arsenal juridique ivoirien, mais, cette qualité a été conférée à l’ancien président ivoirien, par l’ensemble des leaders politiques de l’opposition, toutes tendances confondues, de façon conjoncturelle. Tous défilent à ses résidences d’Abidjan et de Daoukro, vont lui faire allégeance, lui proposer des alliances politiques, se reconnaissent en lui désormais, et le prennent comme référent voire leur guide.

La «Bédiémania» est si forte aujourd’hui en Côte d’Ivoire, qu’elle est en passe de gagner tous les cœurs. Surfant sur les divisions entre lui et le chef de l’État, les hommes politiques de l’opposition, y compris des proches de Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale, lui apportent leur «  soutien ». Bamba Moriféré, Gnamien Konan, Aka Ahizi Daniel, Soro Brahima, Henriette Lagou, Danièle Boni Claverie, camp Guillaume Soro, Anaki Kobenan… défilent chez l’ancien numéro 1 ivoirien.

Dans la perspective des échéances électorales de 2020, leur esprit se remplit d’espoir, à l’idée que seul Henri Konan Bédié, vu son poids et l’influence qu’il exerce sur ses troupes, peut valablement affronter et venir à bout du Rdr et d’Alassane Ouattara. Tous, à l’image de Pascal Affi N’Guessan, président du Front populaire ivoirien (Fpi), n’excluent pas une alliance avec le «Sphinx de Daoukro » et son parti, le Pdci-Rda. « La faillite du Rhdp est un message. Cette Assemblée générale qu’Alassane Ouattara a organisée il y a quelque temps, pour fonder le Rhdp, c’est un aveu d’échec. Le règne du Rdr est fini. Je suis surpris qu’il ait organisé cette réunion, car tenir tout seul une réunion sans le président Henri Konan Bédié, cela signifie la décadence du Rdr », a indiqué Affi N’Guessan, lors de son discours d’orientation et de politique générale du Fpi, lors du 4e congrès de ce parti, tenu les 27 et 28 juillet 2018, au Palais des sports de Treichville.

Une nouvelle alliance. Et l’ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo de lancer un appel à une nouvelle alliance nationale autour de Bédié. « Je lance un appel pressant à la mise en place d’une grande plateforme des partis de l’opposition, qui veulent le changement dans les plus brefs délais. Cette alliance qui doit voir le jour urgemment (d'urgence, Ndlr), sera l’Alliance nationale pour la démocratie et la paix. Il n’y a pas d’obstacle à ce que le Pdci-Rda et le Fpi se mettent ensemble. Toute la classe politique est favorable à une grande alliance. Cette alliance ne saurait tarder », a-t-il assené.

Des alliances, les plus improbables politiquement se nouent quasiment chaque semaine, avec et autour de Bédié, tant à Daoukro qu’à sa résidence d’Abidjan-Cocody.   Même son de cloche du côté des « Gbagbo ou rien » (Gor) regroupés autour de Sangaré Abou Drahamane au Fpi, réputés pour leur radicalisme face au pouvoir d’Alassane Ouattara. Lors de son meeting à la place Cp1 de Yopougon, samedi 28 juillet 2018, Koua Justin, un des farouches partisans de Laurent Gbagbo, a plaidé pour un rassemblement en vue de «  neutraliser notre unique danger » et appelé le président «  Henri Konan Bédié au rassemblement contre Alassane Ouattara ». « J’en appelle au Pdci-Rda à la lucidité, à la compréhension de la Jpdci, au-delà, à tout le Pdci, au Pit, au Mfa, rassemblons-nous pour neutraliser notre unique danger. J’en appelle à tous ces partis, aux syndicats, aux religieux. Ensemble pour la démocratie et la solidarité (Eds) vous appelle pour sauver la patrie. Alassane Ouattara est une menace nationale. Face à cela, il faut un rassemblement national », avait lancé entendre, les traits titrés, Koua Justin, ancien pensionnaire de la célèbre prison du Camp pénal de Bouaké.

De part et d’autre, aujourd’hui, l’état d’esprit est à une cohésion nationale contre le Rdr et le Rhdp unifié. Le président du Pdci, qui a fait de son principal axe politique, le changement à la tête de la Côte d’Ivoire en 2020, brasse, aujourd’hui, des soutiens venant de tous les horizons politiques. Vu comme un maillon essentiel de la réconciliation nationale et l’ultime arme pouvant « abattre » le Rdr et son chef, Henri Konan Bédié fait presque l’unanimité, dans la classe politique ivoirienne. L’ancien chef de l’État dont la candidature à la présidentielle de 2020 circule dans des chancelleries occidentales, incarne, plus que jamais, l’espoir d’une opposition qui voit en sa personne, une planche de salut pour une alternance.