Incarcéré depuis 2009, puis placé en liberté conditionnelle fin juin 2017 pour raisons de santé, le dissident chinois Liu Xiaobo est décédé ce jeudi 13 juillet des suites d’un cancer du foie dans un hôpital de Shenyang. Depuis sa participation à la rédaction d’un projet de réforme constitutionnelle, le prix Nobel de la paix 2010 était devenu la bête noire de Pékin.
Le nom de Liu Xiaobo a disparu des journaux chinois le 8 octobre 2010. Ecran noir pour les grandes chaînes de télévisions étrangères en Chine, silence radio, silence papier, silence télévisé et silence évidemment pixélisé pour l’ensemble des médias officiels. Pour le régime de Pékin, la chose est entendue : il n’y pas de dissidents en Chine, seuls existent des criminels. L’annonce du prix Nobel de la paix remis à un Chinois en cet automne 2010 est aussitôt qualifiée « d’obscène » par les autorités communistes.
Subversion du pouvoir d’Etat
Ancien de Tiananmen, envoyé en camp de rééducation entre 1996 et 1999, l’écrivain exclu de l’université a continué de publier ses livres via Hong-Kong, tout en restant étroitement surveillé par les agents du ministère de la Sécurité publique. En décembre 2008, Liu Xiaobo est arrêté puis incarcéré dans une prison du nord du pays pour « incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat ». Son crime : avoir osé demander l’application de la Constitution chinoise et des libertés qui y sont associées dans un texte calqué sur la « Charte 77 » du tchèque Vaclav Havel.
Liu Xiaobo a en effet participé à l’élaboration de la « Charte 08 » signé à l’origine par 303 intellectuels, rejoint par beaucoup d’autres depuis. D’ordinaire, le 8 est considéré comme un chiffre porte-bonheur par les Chinois ; là il va déclencher les foudres de Pékin, sans toutefois parvenir à démotiver l’opposant. Infatigable militant de la démocratie, incroyable optimiste aussi, tant qu’il en a eu la force, Liu Xiaobo a continué de courir une heure par jour dans sa prison, selon ses proches.
« Tuer le poulet pour effrayer le singe »
Sa disparition ce 13 juillet marque la fin d’un « printemps » pour les militants de la démocratie en Chine. Publiée à l’occasion du centenaire de la Constitution chinoise et le 60e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme, la « Charte 08 » a fait long feu. Signe des espoirs de réformes qui circulaient au sein des intellectuels chinois au moment des JO de Pékin, le texte a été suivi de plusieurs vagues de répression au sein de la société civile. Des dizaines de milliers d’avocats et de militants des droits humains ont depuis été arrêtés et/ou incités à se taire.
« Tuer le poulet pour effrayer le singe », dit le proverbe chinois. Ses avocats ont réclamé pendant des années sa remise en liberté pour raisons médicales. Contrairement au Dalai Lama, autre bête noire du régime, Liu Xiaobo n’a jamais pu s’exprimer depuis sa prison. L’opposant partage avec l’exilé de Dharamsala, la même philosophie de la non-violence : « Je veux redire à ce pouvoir qui me prive de ma liberté (…) je n’ai pas d’ennemis, je n’ai pas de haine » déclarait-il à son procès en 2009. Pourchassé, persécuté, emprisonné, Liu Xiaobo était marié, mais n’a pas pu avoir d’enfants. Son épouse, Liu Xia, a été assignée à résidence, depuis l’attribution du prix Nobel de la paix.
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