Couler à pic Alassane Ouattara, chef de l’État, candidat putatif à la présidentielle de 2020, et liquider à fond le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix ( Rhdp), Guillaume Soro ne s’est jamais senti en position de force, depuis qu’il a défait les liens de président de l’Assemblée nationale pour arriver à cette fin.
Depuis que l’ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara a retrouvé sa liberté de penser et d’agir librement, suite à sa démission du perchoir, le vendredi 8 février 2019, il s’est offert plusieurs tribunes pour malmener le chef de l’État et son nouveau parti, le Rhdp. D’abord, face à la presse, le vendredi 13 février 2019, dans son vaste domaine de Marcory-résidentiel, pour annoncer la naissance du Comité politique (Cp) puis, devant ses parents de Ferké résidant à Abidjan. Ensuite, face à sa communauté Sénoufo de Ferké.
Guillaume Soro s’est également rendu à Daoukro chez Henri Konan Bédié, où il a rencontré les têtes couronnées de l’Iffou. Et, depuis le mardi dernier, il fait le tour des leaders politiques dont Pascal Affi N’Guessan ( Fpi), Bamba Moriferé, Charles Konan Banny, Francis Wodié, ancien patron du Conseil constitutionnel, et il devrait rencontrer d'autres responsables politiques, dont Aka Ahizi, président du Parti ivoirien des travailleurs ( Pit)... Sa tournée devrait le conduire en Belgique où il entend rencontrer Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, acquittés récemment, par la Cour pénale internationale (Cpi). Guillaume Soro est également annoncé dans le Guémon et le Cavally, dans l’ouest ivoirien, deux régions qui avaient été sinistrées par les crises successives en Côte d’Ivoire. En toile de fond de cette « navigation » de Soro, noircir le tableau de la gouvernance politique du chef de l’État, pour donner, à sa nouvelle posture, une dimension morale, en vue de rallier à sa cause ou de braquer ces personnalités contre Ouattara.
L’ancien chef de l’aile politique de la rébellion de 2002, aujourd’hui dans la peau d’opposant, a échangé, le jeudi 28 février 2019, avec Pascal Affi N’Guessan. « J’ai trouve? un homme d’Etat disponible, qui a le souci de l'intérêt général », a indiqué Guillaume Soro. « J’ai souhaité que nous puissions nous retrouver, les anciens institutionnels, rapidement, pour essayer de faire le diagnostic et l’état des lieux de la Nation, sur l’ensemble des questions (qui touchent à la Côte d'Ivoire) », a dit M. Soro à la presse, dans une vidéo postée sur sa page Facebook. Il s’est réjoui d’avoir « trouvé un homme d’État disposé et disponible, qui a le souci de l’intérêt général », avant d’appeler à ce que, « rapidement », les anciens institutionnels puissent se rencontrer pour débattre de l’avenir du pays.
Ce même jeudi, l'ex-chef du Parlement a reçu, à son domicile de Marcory, une visite de soutien, d’une très forte délégation des chefs de la région de La Mé, accompagnés des guides religieux de la confession Harris, venus du département d’Adzopé, « pour savoir la vérité » sur sa démission.
La tactique de Soro
Guillaume Soro, devenu le symbole de l’opposition à Alassane Ouattara et au Rhdp, incarne aussi la volonté de mettre à mal le régime Alassane Ouattara. « J’ai voulu être libre et aujourd’hui, je suis un homme libre. Je voulais être un homme libre… Je ne veux pas être sous tutelle », a-t-il lâché, ce jeudi, face aux Attié. Tout en expliquant les conditions pour le moins humiliantes de sa démission « forcée », Soro se pose en amoureux de la paix, et en fervent partisan de la réconciliation en Côte d’Ivoire. Mais, une chose est sûre. Cette volonté de liberté, d’indépendance, d’acteur acharné de la paix et de la réconciliation cache mal son engagement à ruiner les espoirs d’Alassane Ouattara et de son parti, en 2020.
L’ancien chef rebelle est donc dans une dynamique de compromettre les calculs politiques d’Alassane Ouattara, en prélude aux présidentielles de 2020. Il veut faire basculer, en défaveur du chef de l’État, le rapport de force politique. C’est fondamentalement l’axe dans lequel s’inscrivent ces tournées que Guillaume Soro a entreprises auprès des hommes politiques, ainsi que des couches socio-politiques. C’est le principal enjeu de son nouvel engagement.
Au sortir de sa rencontre avec Pascal Affi N’Guessan, l’ancien chef du parlement a expliqué les dessous de sa démission. « Je lui ai expliqué les conditions de mon départ de l’Assemblée nationale, étant entendu qu’avant de briguer ce poste, j’avais sollicité son soutien, son vote et son accompagnement. Ensuite, je l’ai informé de la création, le 15 février dernier, du Comité politique que je dirige. Enfin, je me suis adressé à l’ancien Premier ministre (…). Je souhaite encore rapidement que nous puissions nous retrouver, étant entendu que cette question a été évoquée avec le président Bédié et le Premier ministre Charles Konan Banny », a déclaré Guillaume Soro à la sortie d’audience.
La tactique de Soro vise à faire une peinture repoussante d’Alassane Ouattara et de son parti, le Rhdp.
S’exprimant sur l’accueil que lui a réservé la population, Guillaume Soro en a profité pour lancer des pics à ses ex-alliés de la coalition au pouvoir. « Eh la liberté est bien deh! Regardez bien ces photos. Si j’étais encore Pan (Président de l'Assemblée nationale, Ndlr) il me serait interdit de saluer les populations ainsi. J'ai été sermonné lors d’une même scène à Agboville. Les thuriféraires ont vite fait de le rapporter et de conclure que je me comportais comme un président. Après l’accueil époustouflant de ce matin (jeudi 21 février 2019, Ndlr), j’aimerais que vous m’aidiez à percer le mystère qui m’intrigue depuis. Je n’ai jamais eu un accueil aussi grandiose que celui-ci, même quand j’étais Premier ministre, président de l’Assemblée nationale! Pourquoi maintenant que je suis chômeur, que les Ferkois se mobilisent autant », a déclaré Guillaume Soro via Twitter.
Il revient à la charge pour dresser sur la tête du chef de l’État, une couronne d’épines, comme s’il voulait dresser ses parents Sénoufo, qu’il recevait en sa résidence le 15 février 2019, contre le numéro 1 ivoirien. « Le président Ouattara a voulu que moi, je rentre au Rhdp. Je n’ai pas envie de rentrer dedans… Vous me connaissez, un petit Niaforo, Sénoufo, quand il dit non, c’est fini, c’est non ! Quand il dit oui, c’est fini, c’est oui. Mais, je ne suis pas le genre d’homme qui cède à un chantage. Je ne peux pas céder au chantage. Je ne peux pas non plus me laisser effrayer. Si j’étais un homme qui cédait aux chantages, à l’argent, aux postes, peut-être qu’Alassane Ouattara ne serait pas président », a-t-il craché devant ses parents de Ferké.
Il a, en outre, dénoncé "la traque" dont font l’objet ses partisans, avec à la clé, des emprisonnements. « En 2018, quand tu me salues et qu’on dit que tu as salué Guillaume Soro, si quelqu’un a pris photo, on te renvoie de ton travail. Tous les collaborateurs ont été renvoyés. On a pris Soul To Soul, on est allé le jeter en prison. Mes gars qui ont été renvoyés, ils n’ont pas été embauchés, ils sont toujours au chômage. Ils n’ont rien fait, c’est parce qu’ils m’ont salué qu’ils ont été renvoyés », a-t-il fait remarquer. Guillaume Soro s’est donc lancé, à tout crin, dans la démolition du "mythe" Alassane Ouattara, pour espérer retourner, contre lui, tous ses soutiens.
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