Le nombre d'hospitalisations liées à la consommation de ce type de médicaments a ainsi presque triplé (+167%) entre 2000 et 2017, tandis que le nombre de décès a bondi de 146% entre 2000 et 2015, avec "au moins quatre décès par semaines", selon l'Agence du médicament.
Hausse des hospitalisations, des décès, des patients dépendants... Les problèmes liés à la mauvaise utilisation des médicaments antidouleur opioïdes ont fortement augmenté en France ces dernières années, montre un rapport publié mercredi. "Il y a un certain nombre de signaux qui nous incitent à être très vigilants", reconnaît Nathalie Richard, directrice adjointe des médicaments antalgiques et stupéfiants à l'Agence du médicament (ANSM), interrogée par l'AFP. Le nombre d'hospitalisations liées à la consommation de ce type de médicaments a ainsi presque triplé (+167%) entre 2000 et 2017, tandis que le nombre de décès a bondi de 146% entre 2000 et 2015, avec "au moins quatre décès par semaines", souligne l'organisme.
La situation n'est toutefois sans "aucune commune mesure" avec la catastrophe sanitaire que connaissent les Etats-Unis et le Canada, car la France dispose de meilleurs garde-fous pour encadrer la prescription de ce type de médicaments, assure Nathalie Richard, qui a coordonné le rapport. Aux Etats-Unis, les décès par opioïdes obtenus sur prescription ont ainsi été responsables de 17.087 décès en 2016. Les opioïdes regroupent les médicaments qui présentent les mêmes propriétés que l'opium. Ils sont classifiés en opioïdes faibles (tramadol, codéine ou médicaments contenant de la poudre d'opium, comme le Lamaline) et opioïdes forts (morphine, oxycodone, fentanyl).
La prescription de ces derniers a été multipliée par 2,5 entre 2006 et 2017. Et parmi les opioïdes faibles, globalement stables, la consommation de tramadol a grimpé de plus de 68% sur la même période, en partie du fait de l'interdiction du Di-antalvic à partir de 2011.Si les antalgiques non opioïdes (paracétamol, aspirine, ibuprofène, etc.) restent de loin les plus utilisés par les Français (78%) du total, près de 10 millions d'entre eux avaient reçu au moins une prescription d'opioïde au cours de l'année 2015. Cette augmentation est "une bonne chose en soi", assure toutefois Nathalie Richard, car elle reflète en premier lieu une "amélioration de la prise en charge de la douleur" à partir du début des années 2000. Mais parallèlement, les mauvais usages de ces médicaments, qui exposent à un risque de dépendance, de surdosage et de dépression respiratoire pouvant conduire au décès, ont également connu une inflation.
Publicité interdite
"On voit apparaître des catégories de patients à qui on a prescrit ces médicaments pour soigner des douleurs" et qui, devenus dépendants, se retrouvent hospitalisés pour une surdose ou un syndrome de sevrage, décrit Nathalie Richard. Il s'agit en majorité de femmes, souvent âgées de plus de 60 ans. "L'enjeu pour les autorités sanitaires françaises consiste à sécuriser au mieux l'utilisation des antalgiques opioïdes sans restreindre leur accès aux patients qui en ont besoin", explique le gendarme du médicament. En France, tous les opioïdes faibles sont soumis à prescription médicale depuis juillet 2017 (la codéine était en vente libre avant cette date sous forme de sirops contre la toux et de comprimés faiblement dosés). Quant aux opioïdes forts, classés comme stupéfiants, ils nécessitent une ordonnance sécurisée.
La publicité de tous ces médicaments auprès du grand public est par ailleurs interdite et les brochures des laboratoires destinées aux médecins sont contrôlées par l'ANSM. Selon les conclusions du rapport, on pourrait encore améliorer l'information des patients et la formation des professionnels de santé. "Une prescription d'antalgique opioïde doit systématiquement s'accompagner d'une information au patient sur le traitement et sur son arrêt, et d'une surveillance de ces risques même lorsqu'il est initialement prescrit dans le respect des conditions de l'autorisation de mise sur le marché", souligne l'ANSM. Il y a par ailleurs trop de prescriptions pour des types de douleurs pour lesquelles les opioïdes ne sont pas recommandés ou pas les plus efficaces (migraines, fibromyalgie, arthrose...). On pourrait également "faciliter la prise en charge non médicamenteuse" des douleurs, suggère l'ANSM, avec des pratiques telles que la psychothérapie, la kinésithérapie ou encore la sophrologie, afin de diminuer les doses prescrites et les effets indésirables des antidouleurs.
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